A Spark in the Emerald Forest, Hana Shahnavaz, 2019

 

Le silence du soleil

 

Il n’y a aucune raison de perdre ce que l’on a toujours eu, même dans le pire des mondes, la vague part toujours là où il n’y a pas de raison de perdre ce que l’on a toujours eu.

J’ai pris la rampe, j’ai encaissé les crampes, j’ai eu la chance qu’on ne me tue pas. Et si la vraie violence de cette forêt ne parle pas, elle est enterrée sous le sous-bois, ne l’oublie pas.

Il n’y a aucune raison que le fleuve se tarisse, toujours il prendra la source au tréfonds de ton âme. Il opérera en circuits dans ton ventre et ne se gênera pas pour te rappeler ce que dans les mémoires singulières tu chantais.

Quand les oiseaux se font la malle, personne n’attend qu’ils reviennent, les farandoles s’enflamment et les pierres se fendent à la lumière.

Accentue encore un peu ton pas sous les cris des drames, creuse avec ta main dans la terre jusqu’à toucher l’os, brise le vent et déploie tes bras vers la pointe céleste des funambules qui d’un mouvement glissant dans l’atmosphère se glissent.

Arrache les fils qui te relient à tes amants et tisse la toile de tes paysages à venir. Entends l’eau, qu’elle tombe, qu’elle ressasse ou qu’elle goutte, rien ne te portera si bien que l’eau, si loin que l’eau.

Crisse dans la glace et siffle au vent, apprends, comprends qu’aucun doute ne succombera à ta puissance.

Les enjambées élancées des bateaux à voiles tiennent à célébrer le monde dont les écailles se colorent tandis que les autres se couvrent de plumes blanches en soie. Saccagée, dérangée, déboussolée. Les rives se parent de statues qui t’appellent. Les mains tendues vers les aquarelles, tu sais que les peurs se soignent mais elles sont cruelles.

 

Grave dans l’écorce la fine étendue de tes passions irréelles, subis les battements de ton cœur dans ta gorge en attendant le calme d’une nouvelle prairie. Quitte à se fâcher, quitte à se lacérer de mille cordes tranchantes, quitte à vriller sous les pluies innocentes ou les brumes entêtantes d’un été de grands champs et de grandes vallées. Casse les chaînes qui te tordent et t’entassent, joue-toi de ces curieuses anomalies de l’existence. Fraîche guerrière sans arrière-pensées, prends la craie et l’argile dont tu répandras les poussières sur des corps fragiles.

Avance quand le jour s’éternise comme les silences absurdes des arbres qui agonisent. Si les frênes bruissent devant la très grande fenêtre, c’est que les contes d’antan sont prêts à renaître.

Opiacés et miel d’amande s’élèvent dans les vapeurs dorées capturées par ta peau accueillante. Nul ne sait ce que cache le creux de ton pied avec lequel tu tambourines sur le bitume d’acier. Ta vitalité est ton seul trésor et tu décides maintenant de supprimer ces véhéments voleurs aux gueules dépareillées.

Drôle de caresse d’une nuit glacée, le dimanche te blesse et les baisers sont endeuillés. Griffe les joues du palimpseste, accorde-toi le droit de ne pas rester.

Pars le long des courbes du Mékong où les bruits humides te chanteront le bal des herbes folles. Aime les damnés, frôle leurs mains qui te parlent de frayeurs éméchées. Danse tranquille et casse les atomes encrassés. Accorde le violon qui te jouera dans la tourmente des centaines, des millions de saisons enveloppant l’île d’une foule aimante.

 

Fernweh

Ne se sentir bien qu'en départ

En départ pour ailleurs, quitter ici, chercher encore
La ville, le pays, le continent, la planète qui voudra enfin accueillir

Le mal d'ailleurs
Mal de l'ailleurs
D'ailleurs le mal ne peut agir
Sur toi il n'aura plus d'empire
Le départ te soulève, t'enlève à lui
Une immense joie sereine surgit
De monde en monde, tu dépêches les départs De lune en lune, tu vois le prochain soleil

Mais c'est un nouveau silence qui t'accueille, un nouveau soir Éclipse partout, exil à trous, te revoilà mise en bouteille

Mourir en mer, couvrir ta chair
De sel et d'eau des origines
Mourir partout, se diluer, encre de Chine

Ailleurs c'est où ?
Ailleurs c'est là, où tu n'es pas

 

*

 

Tu es ma branche

Je suis ton lierre

Tu es mon oiseau

Je suis ton nid

Tu es ma rivière

Je suis ton lit

 

 

*

 

Mon caillou, mon hibou, mon genou

Mon chou, mon bijou, mon caillou

Donne-moi des X

Encore et encore

Donne-moi ton mix

Où faire danser mon corps

 

*

Attention, il y a un caillou dans ta chaussure

Tu appuies dessus pour sentir la douleur de l'effraction dans ton pied

Tu fais valser ta cheville

De la pointe, tu dessines des arabesques sur le sol
Ta tendresse a été lacérée
Des entailles dans tes entrailles esseulées
Des coups de canif sur ta peau fleurie, ta peau sacrée
Une cheville, une pointe, le cou qui se renverse et puis s'envoler
Tu voudrais tant t'envoler
Flotter au-dessus du brouillard comme une évaporée
Là dans cet espace auquel appartient la musique
Un espace où, tu le sais, il y a quelque chose de magnifique

 

Les rythmes pailletés s'infiltrent dans tes cellules
La musique te boit et tu te noies comme dans un vin d'été

Les lèvres closes, le poing droit serré
Tu frappes là où tous ceux qui sont frappés sont oubliés
Tu entres dans une peinture où tu te sens appelée
Tu jouis des courbes et des couleurs où se dilue ton identité Tu ne laisses aucune trace
Aucune trace de ce que tu as été
Dans les aplats de couleurs tu disparais

 

 

*

C'est une épine qui te traverse

Elle est entrée entre tes jambes

Passée par tes allées vermeilles

Monts et vallées de ton corps

L'épine

Elle est si longue, elle est venue percer le cœur

Elle s'est immiscée dans la longueur

L'épine si droite et si indifférente

Elle est passée par ton ventre

Ton ventre qui ne voulait que l'amour

Ton ventre terrassé sans détours

L'épine est entrée

Elle a fait crier toute ton âme

Elle t'a reliée à toutes les femmes

 

*

Dans le miroir de mes yeux, il y a le reflet de ta flamme

Dans le tiroir de mes vœux, il y a nous deux qui se trame

Entre toi et moi un élastique

Qui nullement ne fatigue

Parfois coupe le sang qui nous irrigue

Mais dans sa souple mécanique
Fait que notre lien ne se lasse
Fait de notre amour cette plante vivace

 

Révolution du corps-planète

L'étoile te brûle si tu t'y jettes

C'est elle qui rythme tes saisons

Qui ouvre et ferme ton horizon

 

Anneau de Saturne autour des hanches

Râle titanesque dans le silence

Tranche
La chair céleste qui vous déchire

Qui vous sépare et vous attire

 

*

Les sanglots inondent l'oreiller

La mer en toi ne cesse de se déverser

Les spasmes salés d'un chagrin inouï

La danse d'un après-midi de pluie

Dans les bras de celui que tu aimes

Cette danse te fera houler à jamais

 

Tu as perdu la main de celui que tu aimes, d'un amour exponentiel

 

Tu tangues, exsangue, plus un mot sur la langue, la morve au nez

 

Le souffle découpé, le cœur scié
Crève-cœur arrache-cœur bousille-cœur
Ton cœur en chantier
Tu as perdu la chaleur de ses bras embrasés, la sueur de son dos à ton ombre adossé, la ferveur de ses joues enjouées

Tu as perdu son sourire qui se diffusait dans tes pupilles, les plis si doux au coin de ses yeux d'une joie enfantine, un enfant fatigué. Ses cheveux mouillés dans les paumes de tes mains amoureuses, la fragilité de son orgueil sensible, la bonté de son égoïsme mal maîtrisé, l'éternité de cet immense bonheur instantané. Tu as tout perdu.

 

Le ciel en eau se remet à tomber
Il joue sa musique sur le toit, à côté de l'oreiller

À tes oreilles le chant d'un printemps raté

 

Vous aviez attendu la pluie pour sentir sur vous les nuages éclater

Il était là avec toi, il n'est plus là

 

Tu l'as regardé marcher devant toi

Tu as regardé sa nuque
Tu savais qu'il partait
Tu as regardé sa nuque

Avec une si profonde affection
Tu savais qu'il partait
Sur sa nuque tu voyais son innocence

Sur sa nuque tu voyais son enfance

Envolée

 

*

 

Et il pleut comme je pleure sur le printemps infidèle

 

 

V

 

*

Levédouchetelmaildej

Vaissellesacpoubellemiroirteslaplusbelle

Nuitjournuitjournuitjournuitjourbonjour

Accorddésaccorddaccord
Carottespatateschouxnavetscrus
Ligne4ligne12ligne12ligne4

Shabillersedéshabillershabillersedéshabillershabillersedéshabiller

Billettransférercourriercourirpasdormir

Travaillerpayertravaillerpayerpastravaillerpaspayer

Accrovélosoufflerraccrocher

Allôvélocitéurbainedécrocher

Figurantsdéfiguréssefigurantlinsensé

Leslarmesleslarmesleslarmesleslarmes

Lesanglalunelesjourslesnuitslamourlesang

Lacourlamourlamourlamourlahainelapeinelamiennelatienne

Unmailsdeuxmailstroismailstroismillemails

Cafpropriopiscinesandwich

Kinéraviolisbanqueléssiveléssivée

Valiseclétrainchocochaudboulot

Rentrerseulemangerseulesecoucherseulelireseuleseleverseule

Angoissedéprimeangoissedéprimeangoissequellepoisse

Joiejoiejoiejoiejoiejoiejoiejoie
Mamanmariepapamamiepapimémèrepépère Culottecollantschaussettespantalontshirtsouspullpullécharpemanteaugantsbonnet Moicheztoitoienmoimoicontretoitoiavecmoimoiavectoi

Leciellesoiseauxlechantdesoiseaux
Pipiclopedentstraddodo
Tomberserelevertomberserelevertomberserelever
Ratatouille
Sansdormirdormir
Rêverfautpasrêver

 

*

Elle a de la buée sur les yeux
Le cristallin brumeux
Les images en camaïeux
S'irisent peu à peu
 
Elle a le pied qui nuance
La main qui pense
Par inadvertance
Et les jambes en cadence
 
Ses doigts s'allongent, s'affinent
Elle ouvre la porte de sa poitrine
Elle redresse l'échine
Décourbée, dépliée, du satin sur la mine
 
La peau en dentelle sous sa carapace de flanelle chancelle au contact du lin d'un parfum de lilas qui l'ensorcèle.
Dans ses entrelacs, elle vacille, de la flanelle se déshabille, feuille à feuille jusqu'au seuil.
 
Les amants aimantés s'emmêlent dans une vague alimentée de sel salvateur, sel noir qui dans leurs pores essaime de l'or en poussière et de l’amour élémentaire.

 

Si ce n'est ton poème

Solitude heureuse

Solitude mal heureuse

 

Solitude fumeuse

Solitude dangereuse

 

Solitude tapageuse

Solitude piteuse

 

Solitude au solstice

Solitude loin du vice

 

Solitude romantique

Solitude tragique

 

Solitude un instant

Solitude océan

 

Solitude à toutes les latitudes

Solitude ton habitude

 

Solitude écorchée, captée, enlacée

La solitude de chaque lacet

Solitude amadouée
Pour la solitude

Être douée
Solitude endimanchée

Contre la solitude

Rien ne sert de prier ?

 

 

Si cette solitude sait se cacher
C'est que sous le sens tombe la tombe de la sincère vérité

La solitude du tombeau vers laquelle tu cours, sans arrêt avec succès assuré. Effroi censuré de nos jours effrénés

 

Si solitude il y a
Si solitude alors certitude
Certaine que le silence continuera de se creuser, en croisant les vides immenses des cages désertées

 

Solitude amplifiée, insonorisée
De la cage thoracique, plus personne n'émet
Plus personne ne t'aime si ce n'est ton poème
Perchée sur la branche de ton arbre à papier, tu encres les feuilles de silences ensoleillés
Les lettres chlorophylles gisent du poudrier
Poudre empourprée au charme échevelé
Tombée dans les bras morphoillogiques de tes imaginaires hallucinés
Versée dans les bras d'un palmier de mimosa éventé
Inversée dans la nuit et le jour, inspirée par la pénombre alentour
Mais le jour, le jour
Le mimosa te caresse le regard, une douceur folle sous ce vent chaud qui te répare

 

Ci-gît l'altitude de nos amours passées
Entends la solitude, entends sans ressasser
Dans le sas coincé.e, tu perçois les ressacs de tes bonheurs dépassés

Repasse sur la table le tissu de tes souvenirs froissés
Traînées de cendre sur sol de sable
Percevoir l'été ce qui n'a pas été
Surpasse l'avalanche, poursuis ton ascension blanche

 

*

Un papillon de sang s'envole dans ton ventre fertile

Un papillon de sang s'envole de ton ventre d'argile
Comme une fleur piétinée, tu vois le papillon de sang s'en aller

Papillon, je ne sais pas où tu es
Je t'imagine en paix enlacé de beaux rubans
Et je te vois souvent sur le visage des enfants

 

Ormuz

Prière de ne pas rester dans la ville gluante, de suivre les kilomètres jusqu'à la prochaine étendue de sève, là où les matières se stratifient du bronze au rose, là où les parchemins sont parsemés d'amour lent, là où s'amoncèlent les carreaux d'ardoise sans que le Zénith ne bouge d'une aiguille, incessamment dardant à pic comme un métal trop lourd. Les louves aux aguets se tapissent dans les ventres des crocodiles, elles sèment le doute sur l'air ambiant, elles susurrent des mots sans âge et dévorés de blancs. La falaise offre ses égratignures aux flots azur écumés de sang. Dans les profondeurs, des splendeurs jaillissent de la calligraphie rocheuse, une grotte d'éden cernée de sombre où le pouls des morts-vivants berce les mémoires trop vives et les nourrissons dansant. J'épouserai les silhouettes acérées qui se déplacent sur les parois de diamant, je les laisserai m'engloutir et resserrer le nœud d'un cran. Malhabile est le vent qui claque la porte comme un géant, malhabile est le chat noir qui s'est pris les pattes dedans. Le chat sur le mur comme un machin volant, il tombe comme un con dans la poubelle devant. Il miaule, il scrute, il détruit nos avenirs radiants, il s'introduit dans ma nuit comme un couteau silencieux, il arrache à ma vie tout un voile de joie, me promet de jeter la plus grande ombre sur ma plus grande lumière et tout un tas de pierres. Pierres saillantes comme ces bris de miroir qui jonchent le sol de faïence après le terrifiant fracas. La salive des étoiles asséchées a laissé place au venin des esprits mal tournés. Ils me harcèlent, refusent de me laisser reposer, ils manigancent avec une grâce cruelle une démolition acharnée. Dans les rues des hordes tambours battant accueillent les démons et leur rient au nez à pleines dents.

 

*

Ton visage est un livre à mille et une pages, je le redécouvre à chaque étage. Chaque heure, chaque jour. J'y vois tout et son contraire, je t'y reconnais et ne t'y retrouve pas. Ton visage est si mouvant, parfois d'une furieuse beauté, parfois un peu pataud, tantôt si insolent, tantôt si innocent. J'y vois les lacs, la Bretagne, les contrées indiennes, une ruelle crasseuse de femmes et d'hommes en perdition. J'y lis la peur, l'indifférence, l'absence et la présente présence. Sur ton visage l'écoute, la déroute, la route. Tes traits comme une route sans fin que l'on parcourt jusqu'à toujours, ses virages chavirant, ses accidents. Ses ombres et ses lumières, ses barrages et ses feux verts. Ton visage, une sculpture, une friandise. Il rassure, il terrorise. Mais en aucun cas il ironise.

 

*

J'attends la mer à boire et les illusions dérisoires, j'attends l'anti-noir et l'abreuvoir où étancher mes larmes rasoirs. Épancher les idées, éviter le chat, fuir la marée, la bête, l’œil, le beurre, broyer la couleur.

J'attends le vent à pleins poumons et l'oxygène du plancton, j'attends la reddition et le lagon où aérer mes obsessions. Altérer la raison, la perdre, retrouver ce qu'elle ignore, ne pas s'en faire une.

J'attends la chaleur de la pierre, sa force et son écorce de bitume, j'attends la terre et le repaire où me défaire de mes enfers. Amasser la mousse, délivrer Sisyphe, persister à dévaler, ravaler la liberté.

Comme une parfaite inconnue.

 

*

Il en est ainsi des plus belles fleurs

Resplendissantes sous le regard des promeneurs

Que l'attrait sur eux qu'elles exercent

Les soumet à leur plaisir ou à leur commerce

 

Leur destin est qu'on les arrache

De leur écrin de verdure on les détache

Vouées à une vie déracinée

Aimées follement mais follement blessées

 

*

Pourquoi freiner la démence qui vagabonde en moi ? Sous les frénétiques salades que l'on nous livre chaque heure, chaque jour, chaque année, il se trouve une sous-couche de cendres brillantes disposées à nous embraser. Dériver jusqu'au portes du sommeil qui parle sans parler, plaquer les colères au sol et les enjamber, pourvu que l'on nous fasse frémir de douceur et laisse crier notre amour en silence dans le fracas du monde torrentiel. Aller jusqu'au ciel à la rame, semer des perles dans le lisier pour voir éclore des rêves nacrés. Franchement pas envie de rester plantées là, elles iront le long des lagunes lascives se promener. Elles serreront la pince à des crabes éborgnés et déploreront les tonnes de plastique éplorées. L'attente est si dense qu'elle promet, à toutes et à tous, une chaleur encore inégalée. Gare aux paroles qui crépitent sous le sable où l'on veut t'ensevelir une fois décapitée. Joins tes deux mains à mi-chemin sur ton torse d'araignée, attache tes lacets de l'un à l'autre pied, dédouble ton cœur de l'autre côté, déroule chaque muscle en expansion vers l'horizon, incruste tes atomes comme filent les astres dans la voie lactée, défile les fils de ta nudité chamarrée et emplis tout l'espace du monde comme la nature sait t’emplir de son ineffable charme envouté. D'arcade en arcade, de flaque en flaque, de dalle en dalle, d'une vie à l'autre, bondir comme on saute au cou de son amant. Se parer d'un collier de fraises, se baigner dans du cristal liquide et trancher des quartiers de lune pour les y tremper. Faire luire les lampes pour de nouvelles histoires à compter, la dernière est la première, elle ne fait que commencer.

 

La Paillette

 

J'attache un ruban fuchsia à mes cheveux

J'arrache les derniers lambeaux de terre brûlée

J'attache mon regard au point fixe du milieu

J'arrache les billes de schiste de mes nerfs plombés

 

Les reflets de lumière filtrée par les arbres

Leur danse sur le rideau blanc est voulue par le vent

Les reflets dans la vitre de ton allure de marbre

Leur danse en transparence est striée d'un chant strident

 

La palombe elle aussi est marbrée de gris

Elle succombe à l'attrait de l'eau du puits

Le pinson ne boit plus, il a été pris

Son corps plumeux blotti dans l'herbe rougie

 

 

*

 

*

Accueille l'arc-en-ciel qui verse des couleurs dans ton cœur

Attends le temps qu'il faut pour accueillir un enfant

Recueille les notes mélodiques sous les plis de ton cœur

Déplie les ailes dans l'irréel de la maison des enfants

 

Attise des artères réverbères dans la cage de fer

Broie la matière noire qui encombre tes longs soirs

 

Laisse ses mains faire ce qu'elles veulent sur le chemin de ton corps

Laisse ses cordes vibrer et te faire tournoyer sous l'eau de son amour

Laisse ses dents mordre ta tendresse et la plus belle de tes fesses

Laisse-le t'ensorceler lorsque de profil il t'enlace

Laisse-le t'emmener dans la force agile de sa grâce

 

Défais ta natte, décoche les cases, attrape les feuilles qui virent qui voltent,

Fais cogner ton âme sur les parois de ton corps délébile et de ton cœur mobile.

 

Poème fleuve

Tamise tes larmes tu y trouveras de l'or

Fais tanguer tes reins sur le tempo du fleuve musicien

Que viennent ses écumes s'échouer en ton sein
Saine et sauve est celle qui a plongé dans les abysses

Mais ici si pire est la loi tu la changeras

Respire l'odeur si douce de tes années à venir

 

Tire la flèche près du paratonnerre
Ici hurlent les loups arc-voûtés
Partie brebis vers de vertes contrées
Quand le tigre n'est pas là, les anges s'en balancent

 

Jour d'un ciel de pluie, les trottoirs-torrents aux pastilles de lumière

T'engloutissent dans leur luisance noctambule


Prône le royaume où trône la nuit

 

Gare aux ne pas, ne plus, ne point

Préfère-leurs les trois petits points

Ni l'un, ni l'autre, ni l'autre encore

Aucun des points ne t'abandonnera

 

Que fais-tu là vilaine fille ? On se demande bien ce que tu es venue faire ici.
Je suis venue pour être là, je regrette que ce ne soit pas ma zone de vie possible près de toi.

Rien, même si souvent chassée, n'égalera la peine que d'autres avant m'ont faite.

 

Ta route en suspension, tes doutes en récréation, va, sillonne sur l'arborescence de tes pérégrinations...

 

*

Ils éteignent la lumière comme on éteint une vie

Ils ont mis des nuages entre le soleil et moi

Ils sont partis me laissant là comme on laisse des yeux sans paupières pour se reposer
Ils ont accroché des pierres comme des boucles à mes oreilles
Ils ont décousu mes poumons, les ont noyés de larmes
Ils ont brisé tous les os de mes pieds, déchiqueté tout ce que j'avais
La pièce était vide et moi dedans
Le sol était froid et moi dessus
Les fenêtres fermées et moi devant
Le plafond inquiet et moi recluse
Dans la cellule du rien, dans la boîte à néant, qui n’insuffle que des cendres de souvenirs perdus dans les artères de mon corps si nu
Je suis nue de tout, toutes les enveloppes d'amour ont disparu
Je suis une lettre morte qu'on n'a jamais envoyée
Je suis nue dans l'enfer blanc d'un été que je ne vivrai pas
Un été dont le phare me laissera en dehors de son rayon
Hors du radar de la vie, je m'éteins debout et immobile
Gonflée aux vents du désespoir
Une bouée qui dérive sur un océan glacé
Tous les bonheurs annulés, refusés, sabotés, échappés, flottent comme des algues devant mes yeux

Yeux trop ouverts, sur ce qui n'est pas et ne sera jamais

 

*

être spontané sans être impulsif

être vigilant sans paranoïa

être persévérant tout en s’abandonnant

être confiant sans être naïf

être enjoué sans frénésie

être ouvert et centré

les pieds dans la boue, la tête dans les voiles

être doux sans être mou

être simple sans être simpliste

être rond sans être con

comme une pierre polie qui vogue dans les vagues

être touché être touchant

être blessé sans être blessant

être blessé sans être blessé

être pessimiste mais optimiste

être ici comme jamais et ailleurs pour toujours

être soi et les autres

se fondre dans le monde sans disparaitre

être le monde qui s'effondre

disparaître quand même

épouser la pulsation et suivre les ondes fluides

taper des talons, les hanches liquides

écouter le son et l’omission

s’attacher librement

avancer sans oublier de contempler, savourer

cultiver l’indulgence tout en gardant sa ligne

chercher la finesse sans délaisser les vieux gros mots

la poésie et l’argot au fil des mots

des corps tendres et sauvages

des lions malabars qui rugissent et se marrent

les chiens font bien des chats

rester jeune et grandir

rester gamin, aimer vieillir

s’enivrer de sobriété

la folie folle et le calme calme

l’œil perçant et le regard vague

pour qu'apparaisse l'infini

savoir crier et savoir se taire

la cohérence et les contraires

naviguer et forer l’univers

savoir être et savoir faire

ne rien savoir et tout comprendre

ne rien comprendre et tout savoir

l’eau dans le vin, le gaz dans l'air

pleurer de rire, mourir d’aimer

comme les volutes d’un corps d’acier

qui voit la mer et qu’on enterre

au pied d’un cèdre élancé

 

*

La mort dans l'âme

Trop de mots comprimés dans le crâne
Des fils de fer ardents dans le chemin des veines

Et le calvaire qui enchaîne

 

Du comique dans le tragique cosmique

Du tragique dans le comique sismique

De l'eau à bulles dans le vin d'or noir

Le ridicule jusque dans la mort miroir

 

L'horreur, l'impossible, les cris, les larmes, l’absence

Tout se détache de moi
Détachée de tout, entachée d’absence
Les rires au loin sont si loin de moi

 

Seuls les courants d'air me murmurent

Que je suis encore vivante même s'ils mentent

Regard absent empli de rouge pur

Souffle mutique sous les tropiques

D'une froideur indécente

 

*

Tu as laissé des traces de lumière en moi que je ne veux pas, ne peux pas éteindre.

Tu as laissé de petites pépites qui piquent, de l'or mêlé de ténèbres, des étincelles de nuit, des lignes déliées et scabreuses, des ronds anguleux qui jaillissent dans ma main qui prolonge la tienne.

Tu as laissé des cerises alcoolisées, des ballons de douceur, des éclats de fureur, des plaines d'ocre vides rayées de ruisseaux rouges, des confettis de chaleur tombant sur un manteau blanc.

Tu as laissé une immense montagne mauve dans la nuit violette où trône un soleil ivoire. Un mur de pluie grise ruisselant qui me sépare des gens.

Tu as laissé un drap de caresses sur ma peau que tu délaisses, tu as laissé un sourire dans ma gorge livrée à ton regard puissant.

Tu as laissé des sillons si profonds, si riants, si criants, comme des lames de fond au fond du corps indolent.

Des empreintes lunaires, des absences funéraires, tu as laissé un cercueil au dedans, si vide et si plein qu'il me noie, qu'il me creuse en souterrain.

Tu as laissé des parapluies d'amour au-dessus de ma tête, des averses de pollen rose venu se loger entre mes cuisses closes.

Des foules de mots dans mes tympans, des foules de rage et des foules d'images, incrustées comme des fils dans l'ourlet de mon corps, si je les coupe, c'est le néant qui me dévore.

Tu as laissé des serrures sans clés, tu m'as laissée là comme une grande boîte fermée. Des mâchoires qui me cisaillent et des cauchemars que tu t'en ailles.

Tu as laissé une ascension en suspens, mon hélice en panne de vent. Mes bras vides et mon sang plein d'océan.

Une ardeur volcanique dont les vapeurs s'appliquent à retourner le temps. Tu as laissé tes doigts modelant sur mon plâtre albâtre et dégringolant.

Tu as laissé une friche sans fondations, un champ de bataille sans saison, une piscine d'espoir, des crépitements hilares et des ailes nouvelles, une armée de rouleaux de vagues prêts à tout réinventer.

Tu as laissé en moi des sous-marins qui m'emmènent loin. Ils crachent et expulsent à la surface du papier des tonnes de charbon en bloc, de bois brûlé, des amas de noirceur assez grands pour engloutir le monde entier.

En moi tu as laissé des danses intérieures sans bouger, des fourmilières agiles et agitées, des cratères de lave qui vont réveiller les morts et fusionner notre sort.

Tu as laissé un tas d'allumettes qui attendent d'être craquées et ta grande silhouette qui s'imprègne dans mon paysage enfumé.

Tu as laissé un gouffre où l'on voit tout, où l'on ne voit rien du tout. Tu as laissé un souffle qui élève mes bras vers l'éternité. Mes bras si maigres mais si capables de soulever des masses d'injustices et de vices.

Tu as laissé un roc prêt à recevoir toutes les jetées, un gigantesque roc anthracite qui regarde les abysses et le ciel se rencontrer.

Tu as laissé un bloc-notes avec tous les rêves inachevés. Tu as laissé des crayons qui m'ont apprivoisée. Des contours et des pleins qui apprennent à chanter muets.

Des vautours qui rongent mes seins puis me regardent en ricanant et insufflent leur poison de cruauté sous mon pelage vitré.

Tu as laissé une vitre de verre aux reflets superposés qui laisse entrer l'univers au plus profond de mon être d’éther.

 

*

La pièce est vide, vide de lui, vide de tendresse, vide de vie

La chaise est vide, vide de lui, vide de ses fesses, vide de plis

Le lit est vide, vide de lui, vide de caresses, vide de cris

 

La fenêtre est vide, vide de lui, de sa silhouette, vis-à-vis
La douche est vide, vide de lui, de sa voix muette, vide à vie

La terrasse est vide, vide de lui, vide et abstraite, vide le nid

 

*

 

*

Aider est aidant

Blesser est blessant
Frustrer est frustrant
Calmer est calmant
Donner de l'énergie est énergisant

Ignorer est ignorant
Agresser est déchirant
Caresser est apaisant
Crier est sans appel

 

Violer est violent
Le viol dévoilé est violent

 

Ce que tu fais aux autres, tu le fais à toi-même

Ce que tu fais des autres, tu le fais de toi-même

 

*

...... La femme n’est pas une parenthèse

...... Et si notre orthographe pour vous est foutaise

...... Continuez de lire dans vos charentaises

...... Qu’importe que le point vous déplaise
...... Nous ne cesserons pas de semer des braises

...... Sur ces symboles coagulés qui nous pèsent

 

*

Je t'aime comme on aime sans rien dire

Je t'aime comme on aime en chantant

Je t'aime comme on aime en riant

Je t'aime comme on aime simplement
 
Je t'aime à en renverser les statues
À en pédaler à vélo des kilomètres
À en percer tous les nuages au-dessus de ma tête
Je t'aime à perte de vue

Je t'aime comme un vaisseau spatial
Qui va tout droit vers le délire astral
Comme un animal si courageux et si frêle
Que tu serres fort dans tes bras si réels

Je t'aime même quand tu n'es pas aimable
Les nuits sans toi sont insoutenables
Promets-moi que tu ne cesseras pas
De t'approcher de moi jusqu'au centre, jusqu’à l'émoi
 
Promets-moi que tu ne me lâcheras pas
Comme ces ombres chinoises qui font s'effondrer les planchers
Que tu seras toujours là
Là où mes rires virent aux larmes, où mes poignets sont sciés
 
Là où ma joie me fait bondir
Comme un caoutchouc ou un navire

Que tu ne joueras pas avec mais pour moi
Faisant vibrer tes cordes dans le froid

 

*

 

 

 

 

 

 

Un carré d'amour dans un rond de soie
Un triangle d'espoir dans une étoile en croix
Un feu illusoire dans une cheminée de bois
Une vapeur de vie dans un écrin de foi
Une permission d'y croire dans un bourgeon qui croît

 

 

*

Rosée d'orage sur fleurs de paille

Fleurs roses
Orage du soir

 

Les rayons du couchant transpercent les masses épaisses et sombres de nuages verts de gris, transpercent les pétales translucides, transpercent les gouttelettes comme mille billes de cristal éphémères offertes à mes rêves divaguant à la fenêtre

 

La nuit tombe
Les éclairs l'éclairent
Un ciel pour deux
Pour toi et moi
Je te vois toujours dans le ciel
Tant et tant que tu lui appartiens maintenant
Tu ne m'appartiens pas mais tu appartiens au ciel qui veille sur ma solitude

 

*

J'opte pour l'amour quoiqu'ils m'aient fait, quoiqu'ils me fassent

Quoique vous fassiez

J'ai vu tant de haine, tant de mépris noir
J'ai vu tant de mort des corps, des âmes

Tant de venin venu de nulle part

 

Personne ne me décrochera de mon arbre à poèmes

 

Si longue l'onde du fleuve d'air pur
Qui parcourt son chemin invisible et sinueux jusqu'à nous
Qui arrive comme un cadeau permanent jusqu'en nous
La langueur des silences qui se hissent entre les parois d'amour

Ils sont la plus belle musique, celle qui ne dit rien et qui dit tout

 

Je ne suis rien et ainsi je suis tout

 

*

Vertèbre après vertèbre

Le long du chemin doux

Aussi doux qu'un caramel

Aussi douloureux qu'une vie

La colonne de la vie

 

Ta colonne meurtrie
Ta colonne qui sourit
Elle te porte, elle me bouleverse

Elle craque, elle gémit
Elle s'assouplit et se repose

Et puis à nouveau elle ose

Toucher le ciel et se déshabiller

De tous les poids en pointillé

 

Dans les spirales de l'oubli, de la joie et de l'envie
Sur chacune de tes vertèbres, je dessine une fleur qui apaisera tes peurs

 

 

Chirurgie des blessures d’un arbre

 

Ses bras autour de moi sont comme une bombe de soie

Ils sont mon berceau, mon écrin, mon armure, mon refuge, mon havre, mon cocon, mon tombeau

 

Si je veux mourir quelque part, c'est dans ses bras

 

Ils sont le seul endroit où s'éteint ma solitude
Ses bras autour de moi, quand ils n'y sont pas, je ne rêve que de ça

 

Tout ce que je cherche, je le trouve là

Tout ce qui me manque se trouve là

 

La chaleur de ses bras me baigne de soleil
La douceur de ses bras me promet la lune, les monts et les merveilles

La force de ses bras me soulève immobile

 

Ils me recousent de mille fils
Mes racines dénouées, ma sève tranquille, mes feuilles légères, arbre parmi les arbres

 

Les bras de mon homme

Les bras de mon arbre

 

*

                           Abricot, abrite-toi sous un auvent

                           Abrite-toi des vents
                           Qu'ils n'aspirent pas ta douceur

                           Qu'ils ne dessèchent pas ton cœur

 

                           Abricot, ta pulpe sous ta peau

                           Brille comme un sang nouveau

                           Elle frémit au soleil
                           Qui est celui qui t'a donné l'éveil

 

                           Abricot, tes rondeurs enfantines

                           Et ta si jolie mine
                           Font de toi un souriant joyau

                           Succulent jusqu'au noyau

 

*

                                                        Gegen die Wand, Fatih Akın, 2004

Sur les derniers jours qu'égrainait 2018, la fin d'un jour de cette fin d'année, le soir tombé, perdue dans une ruelle descendante d'Istanbul et dans mes pensées, me revenaient les scènes du film. Gegen die Wand. Le plus important de ma vie étudiante, indissociable de ma vie berlinoise, inoubliable. Je ne trouvais plus mon chemin. Arrivée sur une grande artère partant de la place Taksim, noyée immobile dans le flot ininterrompu de la foule immense, j'essayais de capter les visages rapides pour en arrêter un. Ce fut celui de Busra, qui m'indiqua où me diriger. Qui répartit. Puis revint vers moi. Elle me proposa d'aller boire un thé. On en a bu trois. Elle fumait autant de cigarettes que moi. On s'est parlé comme si on se côtoyait depuis longtemps. Elle était d'une grande chaleur et d'une beauté qu'il me semblait déjà connaître. De fil en aiguille défilant sur le tissu de cette rencontre, j'ai croisé Gaëlle, un bouquet de fraîcheur venu du Perche, qui a quitté Istanbul depuis, qui ne cesse de voyager depuis, à l'autre bout de l'Asie. En Turquie, je pouvais parler allemand avec plein de gens, comme ça me plaisait ce mélange, ce pont avec la vie d'avant, la vie d'ailleurs. Alle diese Brücke. Des ponts entre les rivières de ma vie. Immer mit ganz viele Liebe. Qui coulent, qui coulent. Parfois se cognent. Très fort. Gegen die Wand. Le film brûle sous ma peau chaque fois que je me souviens. En apprenant ta mort, j'apprends aussi que tu es né. À Silifke. Où je suis passée ensuite sur la route vers Chypre et le Liban, où j'ai été subjuguée par cette mer d'hiver, où je suis revenue quatre mois après, où je me suis arrêtée longtemps. La mer. Et je regarde mon Google Map, mangeur de données, raviveur de trajectoires passées, même tronquées. Berlin, Hamburg, Istanbul, Marseille, mes villes de nuit, avec de grands jours, et tous ces pays. Beyrouth, Téhéran. Je suis de tous les pays. Je suis encore et toujours là-bas. En Inde. Au Népal, en Chine, au Maroc, en Tunisie, au Sénégal, en Mauritanie, en Italie, en Suisse, en Nouvelle-Calédonie, en Indonésie. Dans le désert. Dans la lune. Je suis partout, parfois tant de mal à être ici. Mais si, j'y suis aussi.
Gute Reise Birol Ünel

 

*

Effeuiller les monstres

Jusqu'à ce qu'ils crient leur amour

Les déshabiller du désespoir

Pour qu'ils chantent leur mélodie

 

Parfaitement nus

Parfaitement imparfaits

Parfaits

 

Les mélodies s’isolent
Elles s'incrustent dans nos songes

Elles s'insinuent lentement
Et nous font sourire en dormant

 

Les mélodies se languissent
Elles irriguent nos peines
Nos joies, nos délires, nos effrois
Quand personne n'est là, les mélodies sont là

 

Les mélodies s’affolent
Elles allument les volcans exsangues

Elles font monter la sève

Jusqu'à la nuque, jusqu'à la langue

 

Leurs airs dans les poumons

Leurs notes dans la tête

Leurs caresses sur la peau

Leurs vérités dans le cœur

 

Les longs silences nous y ramènent

Les mélodies renaissent sans cesse

Elles s'assoupissent sur notre épaule

Elles grésillent au creux de nos ardeurs

 

Saltimbanque aux mille sourires
Tu navigues au grès des refrains enfouis

Tu prolonges ton amour à l'infini
Tu tournes au creux de la vie

 

Déesse de verre, déesse de terre

Tu plantes ton âme dans la rivière

Déesse de glace, déesse de feu

Tu prends ta place parmi les dieux

 

 

 

Poème saucisse

 

Essentielles si elles s'insinuent s'exténuent à six ciels sous terre sans s'extasier sans satiété jamais


Saloperie de sentier sinusoïdale savamment sablé de silex faisant saigner


Saperlipopette ma salopette est sens dessus-dessous les dessous au-dessus et les dessus au-dessous sacré souci

 

Serait-ce une satanée seringue sous son aisselle sensée sentir le sel comme l'océan sans sucre


Oh hisse elle excelle à scier sans cesse la saucisse assaisonnée jusqu'à s'exténuer


Délaissée ensuite la saucisse ne sait si sa scieuse estime à sa juste valeur sa saveur et son style


Monseigneur saisissez ce sécateur et stationnez en silence dans ce sillon jusqu'à ce que mort s'en suive

 

*

Effet rebond sur la terre ferme

Écris le long de l'épiderme

Ce que les mots ne savent te dire

Ils le creuseront en ton empire

Tels des sillons sur ta toile

Douces scarifications, épopée sinusoïdale

 

Tu n'es pas un hall de gare

Où qui veut descend, passe ou s'égare

Tu n'es pas une pourvoyeuse de plaisir fugace

Où ceux qui veulent prendre prennent puis s’effacent

 

Tu es entière et le seul amour que tu mérites

C'est celui qui saura honorer chaque parcelle de ton être

Qui saura t’abriter comme tu t’abrites, comme tu l'abrites

 

L'amour est une fête, une joie profonde

Laisse les amertumes moribondes

Laisse-les à ceux qui usent le monde

 

Il y a une porte jusqu'à ton coeur

Seul celui qui en connaît la valeur

Saura traverser les steppes, les rivières et les grottes

Pour t'aimer comme tu sais l'aimer, sans déviations, sans anecdote

 

Vous vous aimerez comme vous aimez le ciel

Vous vous aimerez comme vous aimez la terre

Vous vous aimerez comme vous vous aimez vous-même

Vous vous aimerez comme vous aimez une fleur

Vous vous aimerez comme s'aiment les loups

Vous n'attendrez pas qu'il soit trop tard

 

Forts de votre lien, vous serez libres, des cerfs-volants

Qui, si on les lâche, s'en détache, se perdent, des Icare

Trop près du soleil, finissant dans une marre

 

La ficelle n'est pas la laisse

Elle relie sans force et sans paresse

Elle délie les ailes en faiblesse

Elle allie solidité et souplesse

 

Le vent sera votre guide

Vers la lagune. Vers les pyramides.

 

*

La pluie ruisselle sur mon sommeil

La main droite sur le ventre, la main gauche sur le cœur

Dans la prunelle de mes yeux fermés une lueur
Qui infuse, qui m'émerveille

 

Linceul, le lit ici me lie
À mes amours et à ma mort
Le cœur qui court, le cœur qui dort

 

Le ciel enluné ici me lit
Il voit mon jour qui s'évapore

 

De songe en songe comme une éponge

De tout ce qui a été dit
Tout ce qui a été tu aussi